Pour la première fois des représentants religieux de la minorité arabe musulmane d’Israël viennent dans notre pays pour parler de leur vie quotidienne, de leurs succès, de leurs espoirs et de leurs difficultés. Ils s’expriment indifféremment en arabe ou en hébreu, ils viennent du sud (le cheikh Al Oubra de Rahat), du centre (le cheikh Slimane Satel de Jaffa), de Haifa (le cheikh Abou Alhija) ou de Galilée (les cheikhs Omar Kial ou Mohamad Halil Kiwan). Ils parlent d’un pays de liberté religieuse et d’opportunités ouvertes, bien éloigné du régime d’apartheid décrit si complaisamment par ceux qui préfèrent leurs opinions à l’interrogation de la réalité. Sans esquiver les difficultés, ils expriment avec une force et une crédibilité toute particulière leur volonté de paix et de fraternité. Leur voix mériterait d’être écoutée, mais est-elle assez « politiquement correcte » dans notre paysage intellectuel?
Leur présence, leur chaleur, les liens qu’ils ont créés avec la délégation des imams qui s’est rendue il y a quelques mois en Israël, pourraient-ils être des précurseurs d’un autre horizon de relations entre les fils d’Abraham ?
C’est le même espoir que j’ai ressenti en voyant hier le beau documentaire « Tinghir-Jérusalem: les échos du mellah ». Identité berbère, marocaine, française, Kamal Hachkar, son réalisateur, comprend que pour harmoniser et assumer tous ces mondes de l’exil, il doit en plus rechercher les voisins juifs subitement partis il y a une cinquantaine d’années, alors que dans ces villages de l’Atlas ils menaient des vies inextricablement et presque toujours pacifiquement liées à celles de leurs voisins musulmans. La quête aboutit, entre Israël où ils se sont installés, et Tinghir, le village d’origine, où dans le passé Juifs et musulmans bataillaient ensemble dans les luttes tribales.
Dans des dialogues où se mélangent arabe, hébreu et tamazigh, dans les souvenirs, les musiques et les images partagées, c’est une réappropriation, sous le regard de l’autre, de la richesse des traditions dans une nostalgie commune et surtout une fierté pacifique qui est le meilleur antidote aux haines intercommunautaires.
Cette semaine fut aussi celle du voyage au Maroc du Président de la République. Il y avait dans sa délégation les Présidents du CFCM et du Consistoire. Mohamed Moussaoui et Joël Mergui, sont tous deux originaires du Maroc, ce pays qui dans sa constitution reconnaît le poids de l’identité juive dans son histoire. Leur présence et leur dialogue de sincérité rappellent que des voies de fraternité sont aussi possibles et que le conflit n’est pas inéluctable.
Pâques est l’occasion d’un chamboulement pour une renaissance spirituelle : autant l’orienter vers ces horizons-là, sans plonger dans l’angélisme et le déni : l’actualité ne le permet pas, mais il ne faut pas uniquement être esclave de l’actualité.
Richard Prasquier
Président du CRIF